J’ai traversé la baie du Mont Saint-Michel... de nuit !

Avec une amie, nous avions convenu, qu’un jour nous traverserions la baie du Mont Saint-Michel de nuit. Pourquoi de nuit ? Parce que, de jour, nous l’avons déjà fait et nous souhaitions découvrir la baie sous un autre angle afin de mettre nos sensations en éveil. Alors, ça y est, nous avons réservé notre guide attesté via le site internet de l’Office de Tourisme du Mont Saint-Michel et le rendez-vous est pris, 18h30 ce samedi, au pied des remparts de la Merveille.

Nous sommes toutes excitées en rejoignant notre petit groupe qui nous attend avec François, notre guide du jour, ou plutôt, du soir ! François nous accueille et se présente avant de nous donner les consignes de cette balade. C’est un habitué, il exerce dans la baie avec passion depuis de nombreuses années maintenant. Il la connaît bien, ce qui rassure les promeneurs de ce soir. François a cette particularité de proposer des traversées spirituelles qui consistent à alterner temps de marche et temps de pause avec lecture de psaumes. Mais ce soir ce sera, avant tout, la découverte sensorielle de l’immensité et de la vie nocturne de la baie qui nous entoure. Mais ne traînons pas, nous devons déjà partir pour rejoindre Tombelaine, cet îlot rocheux que l’on peut voir juste à côté du Mont car nous sommes soumis aux horaires de marée. Et même si la mer est basse aujourd’hui à cette heure-là, elle va remonter très vite, à la vitesse d’un cheval au galop, paraît-il !

C’est parti, nos chaussures sont enlevées et c’est pieds nus et en short que nous attaquons notre balade. Oh la la, mais ça glisse dites-moi ??? Nous marchons dans la vase qui s’infiltre onctueusement entre nos doigts de pied. Nous sommes surprises mais rions de cette sensation et surtout de cette petite instabilité. Certains jeunes dans l’équipe s’essayent même à des glissades. Les fous rires fusent.

Première halte, le long de la face nord du monument. François nous raconte déjà l’histoire de ce rocher, sa création, ses nombreuses constructions et ses légendes. Nous sommes admiratives de cette histoire incroyable et admirons cette face du Mont peu connue avec ce côté boisé et végétal.

Nous repartons et quittons la vase pour marcher sur ce que l’on appelle la tangue, un mélange de sable et de vase. La mer est passée par là, cela se voit et se sent car le sable est imprimé des vaguelettes de la dernière marée. Nos pieds se font masser par ces stries naturelles. Quelles sensations sous la plante nos pieds !

La luminosité décline dans la baie et les lumières deviennent jaunes orangées. Le soleil descend lentement derrière nous, au niveau des polders côté Bretagne. Les appareils photos commencent sérieusement à s’affoler dans notre groupe. « Regarde-moi cette lumière ! » dit l’un ? « Juste magique », répond l’autre. Mon amie et moi ne regrettons pas d’être là pour observer ces étonnantes variations de lueurs. La baie s’embrase de 1000 couleurs, c’est surréaliste !

François s’arrête à nouveau afin de nous parler des sables mouvants. Ces fameux sables qui faisaient peur aux premiers pèlerins qui traversaient la baie. Ces pèlerins, qui s’appelaient des « Miquelots » (« Miquelot »- « Michel ») traversent la baie depuis le Moyen-Age pour vénérer Saint Michel. De nombreuses légendes racontent les noyades, les ensevelissements, les hommes qui se sont perdus dans cette baie immense. Nous, nous écoutons notre guide avec intérêt. Puis, le voici qui commence à faire cloche-pied sur le sable gorgé d’eau. Il sautille d’une jambe sur l’autre sous les rires de son public. Il nous demande d’en faire autant et voici notre joyeuse bande en train de sautiller, hilare, sur une sorte de matelas d’eau. Les rires font place à l’étonnement quand nos pieds et nos jambes s’enfoncent dans le sable. Nous venons de créer notre sable mouvant rien qu’en dansant dessus. Notre guide a déjà les cuisses dans le sable. C’est impressionnant. Heureusement, il nous explique, en se balançant de droite à gauche comment s’extirper de là en posant un genou, puis l’autre à la surface du sable. Quelle expérience incroyable. Nous sommes partagés entre le rire, la stupéfaction et l’appréhension mais c’est surtout la joie d’être là qui nous domine.

Nous approchons de Tombelaine et le crépuscule est déjà là. Les bruits diurnes ne sont plus. Désormais nous écoutons les sons de la nuit. Quelques oiseaux nocturnes volent à proximité de ce rocher qui est un espace sauvage protégé. Nous n’entendons que des bruissements et apercevons des silhouettes virevoltant dans le ciel. Mais ce qui m’impressionne le plus, c’est le silence profond de la baie. Un calme intense, infini et intime dans laquelle la baie nous plonge. Plus personne ne parle. Tout notre petit groupe apprécie ce sentiment de quiétude. Nous sommes seuls au monde.

La lune est là, au-dessus de nous. Ronde, blanche et dégagée de tout nuage. Nous l’observons et nous perdons dans ce ciel étoilé. Quelques membres du groupe tentent de repérer l’étoile du berger, puis l’étoile polaire. François nous oriente car il s’y connaît aussi en astronomie. Décidemment, il sait tout cet homme ! La lune, cet astre de la nuit, est notre guide pour retourner vers le Mont. Le retour se veut plus calme pour nous, chacun étant dans une émotion intense. Il se dégage en effet une sérénité incroyable et unique. Le Mont, illuminé par quelques lumières se dresse face à nous, majestueux, imperturbable et serein. Nous l’avions quitté de jour, nous le retrouvons de nuit sous nos yeux émerveillés.

Arrivés à notre point de départ, chacun remercie François de sa faculté à nous avoir transmis sa passion. Il nous contredit en nous rappelant que ce n’est pas lui qui transmet, mais la baie. C’est elle qui inspire et provoque les émotions chez chacun d’entre nous.

Nous repartons du Mont en empruntant la navette, des étoiles dans les yeux et des souvenirs, à jamais gravés dans nos cœurs.