LE PELERINAGE DE SAINTE SARA

Départ pour les Saintes Maries

Le printemps est arrivé et le compte à rebours commence dans la famille pour nous retrouver avec tous nos proches aux Saintes Maries de la Mer. Le rassemblement devient pour nous l’occasion de retrouver de vieux amis, de conclure des accords et des mariages. Il faut faire la liste des choses à apporter : les vêtements, la nourriture, les guitares… C’est une fête merveilleuse à vivre.     Notre famille est d’origine italienne, nous nous sommes installés définitivement à Turin, mais il est important pour nous de ne pas perdre le lien profond que nous avons avec les traditions de nos ancêtres. Ma grand-mère ne sera pas là cette année. Et c’est aussi pour elle que je vais faire ce voyage avec ma famille.

pélerinage Sara
pélerinage Sara

Souvenirs du passé

Quand j’étais petite, elle me racontait comment, sous le soleil chaud et intense de fin mai, la marée humaine de fidèles pousse et presse pour réussir à toucher notre Sainte, Sara la Noire. Nous avons choisi Sara comme protectrice, parce qu’elle nous rappelle notre histoire de peuple vagabond, « de peuple du vent ». Nous portons la statue, vêtue de manteaux et de bijoux, sur l’épaule jusqu’à la mer là d’où elle est venue, comme le raconte la légende, immédiatement après la mort de Jésus, avec Marie Jacobé et Marie Salomé, mère des apôtres Jacques et Jean. Avec nous, Roms, Cintis, Manouches et Kalé viennent chaque année pour l’embrasser, l’habiller, la vénérer et l’acclamer. Tous à son passage crient : "Vive Sainte Sara". Et pour ne faire de mal à personne, quelqu’un d’autre crie aussi : "Vive Saintes Maries".

Beauté et musique pour Sara

Nous, les femmes de la famille, choisissons nos plus beaux habits, ceux pour les fêtes. Les plus âgées, souvent avec le visage tatoué, exhibent fièrement leurs longues jupes en forme de cloche et leurs châles colorés. Les plus jeunes, toutes aussi fières, exaltent leur beauté provocante. Chacune de nous porte des colliers et des pendentifs d’or en l’honneur de notre foi.

Les hommes accompagnent la sainte au son des violons et des guitares. La musique nous tiendra compagnie jusque tard dans la veillée . Nous jouons pour tout le monde, et tout le monde danse sans gêne : jeunes et vieux, amis et étrangers, gitans et touristes.

Départ de la procession imminent

L’église est comble et les femmes gitanes terminent d’orner la statue. Les offrandes et les ex-voto se pressent à ses pieds. La statue est prête à être portée hors de l’église et montrée aux fidèles.

La procession

Les gardians à cheval escortent Sara jusqu’à la mer.

La plage n’est plus qu’à quelques minutes de nous . Le moment tant attendu est arrivé.

Les rues sont bondées et il y a déjà une masse chaude de gens sur la plage.

Joie et bouleversement

La procession entre dans la mer : les chevaux hésitent dans tout ce vacarme, les porteurs déchaussés de la statue aussi, mais, insouciants, invoquent avec ferveur Sara et son pouvoir. Certains pleurent et lèvent les bras au ciel comme pour attirer toute leur attention. Sara la Noire est au centre de la scène dans l’eau : même les touristes s’y préparent pour la toucher ou lui envoyer un baiser le plus près possible.

C’est une atmosphère de joie et de bouleversement : les larmes se mêlent aux rires. L’eau, symbole de purification et de renaissance, semble donner de la légèreté, presque pour libérer nos âmes du péché.

L’aube est proche, aujourd’hui c’est le jour des Saintes Maries, beaucoup d’entre nous restent et entrent dans l’église pour porter un baiser aux Saintes. En ces deux jours ce qui compte c’est de pouvoir exprimer la foi.

La promesse...

Dans la crypte de Sara, j’ai laissé une photo de grand-mère, et une promesse : « je reviendrai ici pour te retrouver chaque année ma grand-mère, et Sainte Sara veillera toujours sur toi, et je suis fière de porter son nom ».

Sara