Tradition de Noël... en Provence

Cette année, j’ai décidé de faire découvrir à mes enfants une tradition provençale des fêtes de Noël : la Pastorale. En cette douce soirée de décembre, nous nous rendons dans le village de Le Val, pour assister à cette pièce de théâtre typiquement provençale.

La Pastorale : Qu'es acò ?

A Noël, en Provence, les villages de crèche se parent des couleurs de fêtes et de lumières. Les centres villes et sanctuaires se préparent pour accueillir LA tradition provençale par excellence : la Pastorale.

Tout comme la crèche, elle est la représentation théâtrale de la nativité parlée et chantée dont le décor est le village lui-même et les acteurs les villageois.

Il existe plusieurs pastorales mais la plus connue est celle de Maurel . Elle fut créée en 1844 à Marseille . Dans la tradition, les trois premiers actes sont en provençal, le quatrième est en français .

Une Vraie tradition provençale

Même si au départ, l’argument de la pièce était basé sur un esprit religieux, du fait de la perte de l’utilisation du provençal, la Pastorale de Maurel devient au fil du temps de plus en plus identitaire et de moins en moins religieuse.

Aujourd’hui même si chaque village adapte sa version, elles sont toutes basées sur celle de Maurel et sont jouées dans la langue de Mistral. Afin que tout le public profite du spectacle, un narrateur décrit la scène en français.

Que le spectacle commence !

Chaque scène sera jouée dans un lieu du village : places, ruelles, angle de traverses… Il me tarde de les découvrir! 
Tous les spectateurs sont réunis au jardin théâtre. Nous allons assister à la première scène, appelée « Une Annonce importante à faire ».

Le premier acte narre l’histoire de l’annonce de la naissance de Jésus aux bergers. Sur scène, nous apercevons les principaux personnages, joués par les habitants du village. Même le maire s’est costumé ! Une partie est en provençal. J’explique à mes enfants la scène ; ils sont d’ores et déjà ébahis par le jeu de ces personnages ! Il s’en suit la présentation des personnages et de leur singularité.

Les personnages principaux de la Pastorale

  • L’ANGE BOUFARÉU : Posté sur le toit de l’étable, il souffle dans sa trompette en direction du village pour annoncer la nouvelle aux bergers . 

  • LE BERGER : Enroulé dans sa grande cape qui le protège de la pluie et du Mistral, une gourde ou musette pendante à son épaule, il serre dans sa main un bâton dans une main et un agneau sur son autre bras.

  • LE MAIRE : Que l’on appelle aussi “Lou Cose” en Provençal . Il est habillé comme un milord et arbore son écharpe tricolore et une montre en or qui pend à la poche de son veston . Il est le symbole de la République dans cette mise en scène. En fait, il va inscrire Jésus sur le livre d’Etat Civil.

  • LE CURÉ : Il est chauve et bedonnant, souriant et potelé. Très souvent, il est en train de s’éponger le front.

  • LE TAMBOURINAIRE : Il porte un tambourin et galoupet et mène la farandole. Il est vêtu d’un costume élégant, il porte un chapeau de feutre à larges bords, une veste de velours noir, une chemise blanche nouée au col par un cordon et un gilet brodé. Sa ceinture, “taiole”, en Provençal, est constituée d’une bande de tissu de laine rouge.

  • PISTACHIÉ : C’est un valet de ferme, coureur de jupons. Son nom vient de l’arbre qui produit les pistaches et qui, dit-on, seraient aphrodisiaques . Il porte un panier dans chaque main : le premier déborde de morue et de saucisse, le second de fougasse et de pompe à huile. Il est marié à la poissonnière : Honorine.

  • MARGARIDO : Elle est vieille et acariâtre . Elle ne rate pas une occasion d’enguirlander son mari . Elle est réputée avoir mauvais caractère. 

  • MONSIEUR JOURDAN : Il est le mari de Margarido . Petit bourgeois sympathique, il est la victime de son épouse qui a du caractère. Leurs scènes de ménage sont incessantes . Homme élégant, il a pris le temps d’enfiler un beau pantalon, un gilet brodé et de se parer d’une lavallière et d’un gibus (chapeau haut de forme) avant de sortir de chez lui.

  • LE MEUNIER : Le berger entend le message dans la colline et descend vers le village avec son troupeau. Le meunier est le premier du village à entendre le message et il sort de son moulin, un sac de farine sur le dos, et rentre le premier dans le village. Il est très souvent accompagné de son chien et de son âne.

  • ROUSTIDO : Vieux garçon, il est un peu sourd et entend plus tard que les autres l’appel des bergers . Il s’est retrouvé presque tout seul dans le village en pleine nuit . Il porte une lanterne pour aller réveiller ses voisins Margarido et Monsieur Jordan.

  • L’AVEUGLE : Son destin est tragique . Il avait deux fils Simon et Pierre mais le boumian lui a enlevé Pierre et ne l’a jamais plus revu . Il a tant pleuré qu’il en a perdu la vue. 

  • LE BOUMIAN OU LA BOUMIANE : Il s’agit de tziganes que le Comte de Provence a obligé à vivre à la Sainte Baume .

Se prendre au jeu

Les personnages sortent de la scène, et invitent la foule à les suivre jusqu’au lavoir non loin. Excités, nous avons le sentiment de faire partie du spectacle !

Les enfants me pressent pour être les premiers spectateurs de l’acte 2 intitulé « La Nouvelle se répand ». Il met en scène l’arrivée au centre du village des personnages pour répandre la nouvelle.

De nouveaux personnages rejoignent la scène. Chacun joue son rôle et tous les détails y sont. Les lavandières sont au bassin à bavarder.

Elles entonnent des chants en provençal ; un doux sentiment envahit les lieux. Cette langue régionale, qui n'est plus courante aujourd'hui, fait résonner la chaleur et la bonne humeur du Sud.

La scène culte

La suite se déroule sur la placette juste à coté. Ici, vous l’aurez compris, pas d’emplacement assis ! On se presse et se faufile pour être aux premières loges de cette nouvelle scène. Nous sommes maintenant à l’acte 3 : « Le Festin ».

Cela se déroule chez Benvengu, maître et propriétaire d’une grande ferme et qui ne rate jamais une occasion de festoyer.

C‘est à ce moment que se déroule LA scène la plus connue : la chute de Pistachié dans le puit. C’est aussi dans cet acte que l’ange Gabriel confirme la nouvelle et guide la joyeuse bande vers l’étable (crèche).

Les yeux écarquillés, mes enfants ne manquent pas un instant de tirade ! Et quelle rigolade ! Entre chaque dialogue, je reste à leur écoute, les questions fusent ! Je suis ravie qu’ils prennent part à ces traditions provençales.

La scène en l'église du village

Nous suivons la troupe vers le quatrième et dernier lieu. Ce dernier acte « Tombé dans l’oubli », se joue dans l’église. Nous retrouvons la scène de la Nativité : bergers et villageois viennent admirer l'enfant Jésus.

Dans cette scène, il est question d’Adoration, d’offrandes et de miracles. La pièce se termine par un chant exprimant la joie du peuple de Provence.

Le public applaudit encore et encore les acteurs, remarquables dans leurs rôles d'un soir. Les chants provençaux se reprennent en choeur, et la magie de Noël opère : tous unis dans les traditions de notre région.

Ce soir, l’église est pleine. La chaleur et la joie enivrent l’espace, et chacun est heureux que ces traditions ancestrales réunissent encore aujourd’hui petits et grands.

Bon Nouvè, Bon Bout d'An et A l’an qué ven !